MANGER DES ÉLÉPHANTS, C’EST MAUVAIS POUR LA PLANÈTE
PAR STEFANO LIESSI
On est en 2025 et, disons-le franchement : la planète est dans un état…
disons triste. La pérennité de notre industrie présente des défis, car nous utilisons énormément de consommables, de produits et de pièces qui nuisent à l’environnement. Par la recherche et le développement, nombre de fabricants cherchent des solutions pour rendre notre industrie plus écoresponsable. Mais soyons bien francs : nous n’arriverons jamais à tout régler. Cela dit, il nous faudra faire de réels efforts si nous comptons rester en affaires encore longtemps.
Donc, que faire maintenant? Faut-il nous joindre à un grand mouvement? Rédiger un énoncé de mission? Fixer des objectifs et élaborer une tonne de stratégies? Ou commencer par faire un premier pas? On le sait déjà : un éléphant, ça se mange une bouchée à la fois. Faire des promesses, c’est facile. Les tenir, c’est une autre paire de manches. Donc, pourquoi ne pas simplement se servir d’une pratique bien établie—les quatre « R » : réduire, réutiliser, recycler et réparer—et l’adapter à notre propre réalité?
Trop souvent, on jette des panneaux, des composants et des pare-chocs parce que l’atelier ou le technicien ne voient aucune valeur à les réparer. Cela crée une quantité incroyable de déchets — surtout de plastique. On se justifie en insistant que « le remplacement coûte moins cher », que « les réparations ne tiennent pas », que « les assurances ne couvrent pas ceci ou cela », que « c’est plus rentable de vendre des pièces » ou que « le temps manque pour réparer ». Déboulonnons cette chaîne d’excuses, si vous le voulez bien.
Selon IBIS World, on comptait environ 4 500 ateliers de carrosserie au Canada en 2023. Imaginons que chaque atelier ait accepté de sauver une seule pièce par semaine de l’enfouissement. Cela totaliserait 234 000 pièces—soit PLUS D’UN QUART DE MILLION de composants — en une seule année! Une par semaine! Et cela ne semble-t-il pas plus facilement réalisable qu’une panoplie d’objectifs qui perdent tout leur sens si on ne les atteint pas? Une. Par. Semaine.
C’EST MOINS CHER DE REMPLACER
Parfois, oui—mais pas toujours. Prenons, par exemple, un butoir de pare-chocs. Ce sera peut-être moins cher s’il s’agit d’une pièce recyclée ou du marché secondaire. Non, je n’ai rien contre l’une ou l’autre (du calme!). Tout est valable, dans les circonstances appropriées. Mais on entend souvent beaucoup de plainte dans un cas comme dans l’autre : « La qualité des pièces de rechange laisse à désirer », « les pièces recyclées demandent trop de préparation » C’est parfois vrai, mais réfléchissons aux autres problèmes. Temps d’arrêt : Une pièce pourrait être en rupture de stock, ou même endommagée, ce qui allonge les délais.
Réparons plutôt ce que l’on a déjà sous la main, et qui est déjà adéquat. Les phares, ça coûte cher. Réparons plutôt l’onglet. Un phare à mille dollars dont seulement l’onglet est brisé demandera du temps à réparer; il faut faire correspondre la couleur, assurer un bon ajustement.

LES RÉPARATIONS NE TIENNENT PAS
Mais oui, elles tiennent. Il suffit de les faire correctement. Cette excuse est tellement faible! Avec la technologie, les outils et les produits à notre disposition de nos jours, les réparations sont un excellent choix, en plus d’être commodes. Un technicien qui ne réalise pas toutes les étapes requises pour une réparation adéquate ferait bien de réévaluer sa vocation… en particulier si l’estimateur a indiqué au devis tout le temps nécessaire pour la réparation.
LES ASSURANCES NE PAIENT PAS CECI OU CELA
Mais oui, elle le font, lorsque le dossier est bien construit. Quel payeur refuserait une occasion d’économiser? Plusieurs compagnies d’assurance ont maintenant des objectifs de développement durable. Et c’est grâce à nous qu’ils arriveront à les atteindre. Si, en plus, on leur économise quelques dollars, ils nous en seront bien reconnaissants.
C’EST PLUS RENTABLE DE VENDRE DES PIÈCES
Effectivement, les pièces, c’est payant. Après tout, nous sommes en affaires, et la rentabilité, c’est essentiel. Mais la maind’oeuvre aussi, c’est rentable. Et les moyens sont déjà à notre disposition, sans qu’il soit nécessaire de dépenser d’abord. La maind’oeuvre, c’est ce qui paie les factures.
LE TEMPS MANQUE POUR RÉPARER
Vrai. Le temps manque parce que l’on passe trop de temps à des tâches non comptabilisées qui ne rapportent rien. Mais même ces tâches, si petites soient-elles, demandent du temps… du temps qu’on aurait avantage à mieux évaluer. Une bonne gestion du temps assurera un meilleur équilibre entre le temps de travail, les délais et le travail en cours.
Certains penseront qu’il suffit de remplacer par une pièce neuve d’origine au lieu de réparer pour rentabiliser la chose, mais c’est complètement faux. Le marché des pièces recyclées en Amérique du Nord se chiffre à 32 milliards de dollars, et le marché des pièces secondaires, à 450 milliards (source : Google). Ce n’est pas près de disparaître.
Certains sont pour, d’autres contre. J’ai moi-même vécu cette situation. En fin de compte, si l’on n’aime pas les pièces recyclées ou de rechange, évitons de perdre du temps et réparons les pièces d’origine qui conviennent déjà aux véhicules.
UN PETIT GESTE FAIT DE GRANDES CHOSES
À mon humble avis, un petit geste peut faire beaucoup de bien. Je suis convaincu qu’il n’est pas nécessaire de se compliquer la vie pour réduire son empreinte carbone. Il n’est pas non plus nécessaire de modifier toutes nos façons de faire.
Que disait-on, déjà, au début de l’article? Comment mange-t-on un éléphant? Une bouchée à la fois. Réparer plutôt que remplacer, une fois par semaine, voilà qui peut améliorer beaucoup les choses — pour la pérennité de chaque entreprise et celle de toute l’industrie.
