CONNAISSEZ VOS DROITS

QU’EST-CE QUE LE « DROIT À LA RÉPARATION »?

BY STEVE LEAL

DÉMYSTIFIE L’UN DES SUJETS LES PLUS POLÉMIQUES DU SECTEUR, AINSI QUE SES RAMIFICATIONS DANS L’INDUSTRIE DU MARCHÉ SECONDAIRE

Si vous suivez l’actualité et l’évolution de la situation dans le monde, il y a fort à parier que vous entendez de plus en plus parler du « droit à la réparation ». Au cours des dernières années, la question du « droit à la réparation » a suscité la controverse, non seulement dans certains marchés, mais aussi partout dans le monde. Soit les gouvernements mettent activement leur veto aux mesures législatives, soit ils les approuvent à l’unanimité. Alors, en quoi la controverse du « droit à la réparation » nous concerne-t-elle?

Pour dire les choses simplement, le « droit à la réparation » exige que les fabricants d’équipement d’origine (FEO) fournissent aux consommateurs et aux ateliers de réparation indépendants un accès égal à la documentation, aux diagnostics, aux outils, aux pièces de service et aux micrologiciels liés à la réparation, à titre de fournisseurs de services de réparation directs ou autorisés. Cette mobilisation couvre presque toutes les industries possibles, de l’automobile à l’électronique, en passant par les outils industriels, l’équipement agricole et même les appareils ménagers comme les grille-pains ou les aspirateurs.

Le débat au sujet du projet de loi sur le « droit à la réparation » cible deux groupes enflammés qui s’affrontent dans la même arène de boxe dans un combat qui ne semble pas vouloir se terminer de sitôt. Selon votre camp, le projet de loi sur le « droit à la réparation » est une bonne ou une mauvaise chose.

D’un côté de l’arène, les opposants (FEO) pensent que le partage de renseignements aussi importants peut nuire à la qualité et à l’image de marque de leurs produits, en plus de mener à des violations du droit d’auteur. Ils croient aussi que certains consommateurs pourraient finir par endommager le produit ou se blesser en essayant de le réparer.

De l’autre côté, les défenseurs (réparateurs qualifiés et débutants, bricoleurs et consommateurs) clament que les FEO adoptent une stratégie monopolistique ayant pour but de protéger leurs réparateurs autorisés et de forcer les clients à débourser des sommes exorbitantes pour remplacer ou faire réparer leurs produits. Ils soutiennent que les réparations prolongeront aussi la durée de vie des produits en question. C’est pourquoi ils demandent aux gouvernements d’éliminer les « verrous numériques » sur ces produits. Les gouvernements, qui sont pris au milieu du conflit, essaient de trouver une solution mutuellement acceptable pour les deux parties.

Certains gouvernements en Europe et en Australie ont déjà adopté et mis en oeuvre la loi sur le « droit à la réparation », alors qu’au Canada et aux États-Unis, la question a été soulevée à maintes reprises devant les comités gouvernementaux sans qu’aucune solution se dessine.

Pour l’industrie du marché secondaire, l’adoption de la loi signifiera que les fabricants de véhicules et les FEO devront partager des données essentielles concernant la réparation de véhicules et de pièces, non seulement avec leurs concessionnaires autorisés et leurs centres de service, mais aussi avec les réparateurs indépendants et les consommateurs.

Les fabricants craignent que cela expose leurs produits à des violations du droit d’auteur et amène leurs concurrents à reproduire la technologie qu’ils ont développée au fil de plusieurs années de recherche et de développement. Certains lobbyistes de questions environnementales sont d’avis que la réparation du produit est tout à fait sensée sur le plan écologique, car moins de produits aboutiront dans les sites d’enfouissement. En ce qui concerne les pièces pour véhicules automobiles, cela mènerait à un allégement considérable de la pression sur les sites d’enfouissement, comme la plupart des pièces de véhicules sont d’une taille plus importante qu’un grille-pain, par exemple.

Le mouvement du « droit à la réparation » est devenu un phénomène mondial. Dans plusieurs états américains, à compter de l’année modèle 2018, les constructeurs automobiles sont tenus d’utiliser une interface standard non exclusive permettant aux techniciens d’accéder aux données de service d’un véhicule.

Les nouvelles provenant de l’Australie sont aussi encourageantes. Après une campagne de près d’une décennie menée par l’Australian Automotive Aftermarket Association (AAAA), le gouvernement a annoncé son intention d’adopter une nouvelle loi qui rendra illégale la dissimulation de renseignements par les constructeurs automobiles à l’endroit des mécaniciens indépendants qualifiés, ce qui permettra de maintenir les pièces de remplacement, l’entretien et les réparations des véhicules à un coût raisonnable.

Au Canada, il n’y a pas si longtemps, l’Association des industries de l’automobile (AIA Canada) a lancé la campagne « Your Car Your Data Your Choice » (Votre voiture, vos données, votre choix) visant à mobiliser l’industrie du marché secondaire afin qu’elle fasse de la sensibilisation sur l’importance de permettre aux consommateurs de contrôler l’accès aux données de leur véhicule.

L’organisme sans but lucratif demande au gouvernement fédéral de reconnaître l’importance de la propriété des données des véhicules et affirme que les ateliers indépendants ne seront plus en mesure de réparer les voitures plus récentes sans avoir les données appropriées. À l’heure actuelle, les propriétaires de véhicules peuvent uniquement avoir recours aux services des réparateurs autorisés par le FEO pour effectuer tout diagnostic critique. L’initiative de l’AIA mobilise les propriétaires de voitures, les responsables des politiques et d’autres parties prenantes qui s’intéressent aux questions liées aux données sur les véhicules, notamment en quoi ces dernières consistent, pourquoi elles sont importantes, ainsi que les répercussions sur le choix des consommateurs. L’AIA croit que les données sans fil des véhicules doivent être transparentes et partagées avec le consommateur pour que le marché secondaire puisse demeurer concurrentiel à mesure que les chaînes d’approvisionnement mondiales passent au numérique.

La loi (communément appelée « projet de loi C-11 ») assurera que toutes les données sur les véhicules seront considérées comme des données personnelles et que les propriétaires pourront choisir à qui ils souhaitent confier l’entretien et la réparation de leurs véhicules. Selon l’AIA, l’accès à l’information exacte permettrait aux réparateurs de fournir des réparations en temps opportun, rentables et adéquates aux consommateurs.

À mon avis, le fait de partager cette information essentielle avec les réparateurs pourrait uniformiser les règles du jeu et rendre le marché secondaire plus concurrentiel. J’entrevois plusieurs possibilités pour les FEO et les réparateurs; dans leur quête d’optimisation de la satisfaction des clients, les réparateurs font de leur mieux pour remettre chaque véhicule dans son état original.

Il faut également comprendre que si le projet de loi est adopté, les ateliers devront être suffisamment préparés pour pouvoir réparer les véhicules connectés. C’est-à-dire que les ateliers devront investir dans l’achat d’outils et d’équipement adéquats, ainsi que dans la formation et la certification de tous leurs membres d’équipe. Bien qu’on ne sache pas quand le projet de loi sera adopté, il est encourageant de constater que les ateliers commencent déjà à se préparer.

Finalement, notre but est de créer un écosystème équitable qui répond aux besoins des FEO et du marché secondaire, et ce, pour toutes les parties prenantes, tout en assurant la transparence pour les consommateurs.

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